La dépigmentation de la peau noire

« Jusqu’à mes dix-huit ans, j’ai utilisé des produits éclaircissants… »


Au sein d’une société où les médias et les filtres Instagram poussent les femmes à transformer leur apparence, Abigail se positionne en tant que sublimatrice de beauté naturelle. En faisant le choix de ne pas se conformer aux diktats de beauté imposés par la société, elle aide les femmes à valoriser leur singularité. Alors qu’elle était complexée par sa couleur de peau, Abigail est aujourd’hui une femme qui s’assume. Durant cet interview, on a parlé de la dépigmentation de la peau noire et d’estime de soi.



Peux-tu te présenter à nos lectrices ?


Je m’appelle Abigaïl Perrot, j’ai 35 ans, je suis mariée et maman de deux enfants. J’ai passé les huit premières années de ma vie au Ghana, puis mon père est venu me chercher pour vivre en France avec lui. 

Je suis une maquilleuse professionnelle passionnée par la beauté et la restauration du cœur. Au travers de mon métier, j’aime faire en sorte que la femme se sente bien. À côté de ça, je travaille chez Dior en tant que chargée de clientèle.


Qu’est-ce qui t’a orienté vers le métier de « make up artist » ou devrais-je dire « sublimatrice de beauté naturelle » ?


Mon père était remarié avec une femme qui ne m’aimait pas. J’ai subi de sa part toutes sortes de maltraitance physique, morale et verbale. Son attitude m’a fait perdre confiance en moi. Il était difficile pour moi de m’aimer et de me trouver belle. 

Jusqu’à mes dix-huit ans, j’ai utilisé des produits éclaircissants, car je ne me trouvais pas assez claire, mais ma foi en Dieu m’a aidé à m’accepter telle que je suis. 

Lorsque j’ai décidé d’arrêter, j’ai directement appliqué des produits à base d’acides de fruits alors que j’aurais dû attendre que ma peau se régénère. Cette erreur m’a coûté cher, car mon visage était complètement abîmé. 

J’ai contacté le laboratoire de la marque de cosmétiques en leur expliquant que leurs produits avaient brûlé ma peau. Ils m’ont suivi pendant un an, puis donné des cours sur les plantes et les produits. De là, est née ma passion pour les cosmétiques. 

Par la suite, j’ai travaillé pour Shiseido, La Prairie, Douglas, Marionnaud, puis chez j’ai été formée au maquillage par Fashion Fair. À la base, ma spécialité était les soins du visage, mais Dieu a déposé en moi un don pour le maquillage. Je me perfectionne régulièrement en faisant des formations.



Au-delà de sublimer les femmes, tu aspires à améliorer la perception qu’elles ont d’elles-mêmes. De quelle manière tu t’y prends ?



J’aime qu’à mon contact, que la personne se sente bien. J’ai une facilité à capter le mal-être de l’autre. Je sais voir quand une personne s’aime, ou ne s’aime pas, exprime de l’orgueil ou de la fausse humilité, démontre un complexe d’infériorité ou de supériorité.

 J’aime faire ressentir aux femmes qu’elles sont toutes uniques. Tout le monde a un don particulier et pour que ce don s’exprime, on doit accepter celui de l’autre. Les étoiles brillent à leur manière, personne n’est en compétition avec les autres. 

Souvent, les femmes que je reçois viennent avec un modèle, mais moi, je brise ça et je fais un maquillage qui matche avec les traits que Dieu leur a donné. Dans ce monde ou on transforme la beauté des gens, moi je révèle la beauté des femmes.



Des études démontrent que les réseaux sociaux ont un impact sur la manière dont les femmes de « la génération selfie » se perçoivent. 

Quels conseils pourrais-tu leur donner pour qu’elles s’acceptent ? 


En effet, les réseaux sociaux occupent une très grande place. J’aimerais leur dire, qu’il ne faut pas croire tout ce que l’on voit, car rien n’est naturel sur Instagram. On « clean » tous notre image, moi y compris.

Je vous encourage à explorer votre identité et chercher quelle est votre plus-value. Demandez-vous quelle est cette chose unique que Dieu vous a donné, puis valorisez là. 



Dans le monde entier, les femmes subissent une pression pour qu’elles se conforment aux canons de beauté de la société. 

Penses-tu que cette pression est plus forte chez la femme noire ?



Sincèrement, je répondrai que oui parce que pendant longtemps, on a cherché à nous opprimer. De manière générale, la femme souffre parce qu’elle est femme, peu importe sa race. La femme noire complexe encore plus car elle a vécu l’esclavage et le racisme. 

En plus de ça, il y a une forte ségrégation en Afrique entre les femmes claires et les femmes foncées, les femmes minces et celles qui ont des formes. Arrivé en Occident, on te classe dans une autre catégorie. La femme blanche en Europe, elle est blanche. En Afrique, c’est une déesse. 

En revanche, la femme noire est perçue comme un produit érotique. Les rappeurs noirs parlent de la femme noire comme si c’était un jouet alors que la femme blanche on l’amène dans une Mercedes. Même si une femme noire est intelligente, on va d’abord regarder son apparence, puis après remarquer son intelligence et malheureusement, la plupart de nos sœurs acceptent cela. 

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Le documentaire Skin¹ met en exergue des chiffres alarmants sur la dépigmentation de la peau noire en Afrique de l’Ouest. 

De quelles manières les femmes noires peuvent-elles sublimer naturellement leur peau ?



Le premier problème des femmes noires c’est l’hyperpigmentation. On cherche dans un premier temps à unifier la peau et éliminer les taches noires, plutôt qu’à l’éclaircir. Souvent, les femmes veulent maintenir leur teint, mais il n’existe pas vraiment de produit unifiant, du coup elles choisissent des produits éclaircissants.

Ce que je peux recommander c’est d’aller chez un dermatologue car il y a des choses que seuls les spécialistes peuvent conseiller. Ce qui m’a aidé à combattre l’hyperpigmentation sont les produits à base d’acides de fruits. Je recommande également l’application régulière d’une crème anti-UV. 

Au quotidien, il est important d’avoir une routine adaptée à son type de peau. Se nettoyer le visage matin et soir est indispensable pour garde une belle peau. 

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Selon toi, qu’est-ce qui peut pousser ces femmes à abandonner l’utilisation de ces produits ?

Quand j’ai arrêté de m’éclaircir la peau, tous les mercredis après-midi, j’allais à la sortie de Château d’Eau et je dissuadais les femmes de ne pas acheter de produits.


Une fois, j’étais chez Fair & white et j’ai vu un couple mixte arriver avec leur enfant. La mère était une très belle femme togolaise foncée de peau. Elle regardait les crèmes et demandait à la vendeuse de lui fournir une crème aux effets ultra rapides car à la maternelle on lui demandait si elle était la nounou de sa fille. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire à qu’elle point elle n’avait pas idée de sa beauté.

L’éclaircissement est une drogue. Lorsqu’une personne commence, il est difficile pour elle d’arrêter. En utilisant des produits éclaircissants, elle se trouve plus jolie et cela lui procure de la joie. 

Les femmes arrêteront d’utiliser ces produits dès lors qu’elles auront conscience de leur identité et qu’elles ne chercheront plus à ressembler à quelqu’un d’autre. 



Pour finir, peux-tu compléter cette phrase : une femme belle, c’est une femme qui… ?


S’assume totalement !


La dépigmentation de la peau noire engendre des conséquences néfastes sur la peau. Si vous utilisez des produits éclaircissants, nous vous recommandons de vous tourner vers une dermatologue afin qu’elle vous donne des produits adaptés aux problématiques de votre peau.


¹. Skin : en français « mes peaux noires ». Documentaire sorti sur Netflix en 2020 et produit par l’actrice anglo-nigériane Beverly Naya.

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